Pourquoi tant de demandeurs d’asile échouent-ils aux cours officiels d’allemand, parmi lesquels des migrants hautement qualifiés, très motivés et travailleurs, désireux de commencer une nouvelle vie en Allemagne?
J’accuse :
tous ceux qui ont enseigné l’allemand comme langue étrangère uniquement en allemand, selon une approche monolingue, au détriment de leurs clients.
Il s’agit notamment des enseignants et des formateurs d’enseignants
– du Goethe-Institut
– des universités et des centres linguistiques universitaires
– de diverses écoles de langues proposant des cours d’allemand officiels
J’accuse également divers éditeurs de manuels scolaires et la BAMF (Agence fédérale pour les migrations et les réfugiés).
Parce qu’ils auraient tous dû mieux savoir et réagir de manière plus appropriée à une situation difficile. Seul celui qui intègre la langue maternelle de ses élèves peut trouver ceux-ci là où ils sont.
J’affirme :
À notre époque numérique, l’approche exclusivement allemande (Alles-auf-Deutsch / tout-en-allemand), ou, d’ailleurs, les stratégies d’apprentissage exclusivement anglaises dans le monde entier, constituent une absurdité flagrante et une cause de détresse inutile. C’est vrai notamment pour les débutants et les locuteurs de ce que nous considérons comme des langues „exotiques“/“éloignées“, et sutout s’ils n’utilisent pas l’écriture latine.
Par contre, en règle générale, les étudiants allemands reçoivent des explications en allemand lorsqu’ils apprennent des langues étrangères. Pourquoi les étudiants étrangers qui apprennent l’allemand devraient-ils se voir refuser des explications dans leurs langues maternelles respectives ? De nombreux réfugiés échouent aux cours d’allemand monolingues. Mais des techniques d’enseignement bilingues clairement définies et compatibles avec le cerveau, associées à des activités monolingues, permettent aux étudiants de s’émanciper et d’enrichir le répertoire des enseignants.
Je suggère :
– Les éditeurs de manuels scolaires proposent des annexes de vocabulaire supplémentaires, classées par leçons, dans de nombreuses langues maternelles.
– Exigence minimale: les manuels expliquent la phraséologie scolaire dans de nombreuses langues.
– Les enseignants proposent des temps morts au cours desquels des groupes d’apprenants individuels clarifient les malentendus entre eux en utilisant leurs dictionnaires électroniques.
– Les enseignants montrent des vidéos YouTube sur des sujets de grammaire actuels dans la langue maternelle d’un groupe d’élèves. Pendant ce temps, l’enseignant travaille avec le reste de la classe. Ces vidéos sont réalisées par des locuteurs natifs pour leurs compatriotes et ont été cliquées des millions de fois (arabe / persan). L’idéal est bien sûr que les enseignants annoncent à l’avance un nouveau sujet grammatical et que les élèves s’y préparent à la maison, en utilisant les vidéos YouTube ou des grammaires de l’allemand écrites en language maternelle, s’il y en a.
– Les enseignants demandent à leurs anciens élèves de faire des traductions de bons textes spécialement sélectionnés, qu’ils utilisent encore et encore et distribuent à leurs nouveaux élèves.
– Les migrants travaillent de manière indépendante avec Google Translator. Ils inventent de courtes conversations quotidiennes dans leur langue maternelle, Tout ce qu’ils aimeraient dire. Ensuite, le dialogue est traduit phrase par phrase en allemand avec Google Translator. Si possible, faites corriger le texte allemand par un locuteur natif et entraînez-vous avec un partenaire en classe.
– Contrairement aux conseils de la BAMF, des classes avec des élèves de même langue maternelle sont formées lorsque cela est possible. Pour eux, des manuels du type „L’allemand pour les Persans“ (par exemple celui de Hossein Tavakkoly) ou „L’allemand pour les Arabes“ seraient idéaux, c’est-à-dire des manuels rédigés dans la langue maternelle des apprenants. Ici, si nécessaire, les constructions étrangères inhabituelles peuvent être clarifiées non seulement par une bonne traduction, mais par des traductions littérales en plus (= traductions mot à mot). C’est le principe de la double compréhension, condition de base de l’acquisition des langues.
– Voici quelques exemples: “Wolkenkratzer” est un gratte-ciel, littéralement “gratteur de nuages” ou bien “nuages-gratteur”. Dans certaines langues, la question „Avez-vous un passeport“ est rendu comme „Est-ce-à-vous un passeport? Ou bien: “Quelle heure est-il ?” En allemand, c’est “Wie spät ist es?”, soit : “Combien / comment tard est-il?” Dans la langue Twi, les comparaisons telles que „Kofi est plus grand que moi“ s’expriment ainsi: „Kofi grand me surpasse“. En chinois, le pluriel n’est pas marqué par des terminaisons, mais par un mot de mesure inséré. „Deux livres“ y est littéralement „deux volume livre“ ou „deux couteaux“ signifie littéralement „deux manche couteau“. À peu près comme on dit chez nous „deux morceaux de savons“ ou „deux tablettes de chocolat“. En langue Ponca, à „j’ai une sœur“ correspond „je suis soeuré / soeuri“ (I am “sistered” / ich bin “geschwestert”), “soeur” étant un verbe au passif . – Ainsi, les langues deviennent transparentes les unes pour les autres.
– À long terme, les enseignants pourraient se familiariser avec quelques particularités phonétiques et grammaticales des langues de leurs élèves. Ils peuvent enregistrer des fichiers d’erreurs récurrentes de la part des locuteurs de ces langues et développer des stratégies pour y faire face. Même une petite connaissance de la langue des élèves fera beaucoup de chemin.
– Comme les élèves proviennent de cultures scolaires différentes, il convient de leur enseigner des techniques d’auto-apprentissage solides et éprouvées, comme la technique de “read-and-look up”.
– Les leçons des manuels pour les étudiants avancés traitent généralement de certains sujets tels que les „syndicats“ ou bien les “partis politiques”. Les enseignants doivent signaler à leurs élèves qu’il peut y avoir des articles de Wikipédia sur le même sujet dans leur propre langue. Les lire aidera certainement à mieux comprendre le texte en langue étrangère. Apprendre une langue, c’est d’abord comprendre et faire comprendre.
– Le BAMF peut expressément recommender, pour les cours de debutants, les livres bilingues du Goethe-Verlag, qui sont disponibles dans plus de 50 langues et sont accessibles gratuitement aux immigrés en version Internet. Les livres „Premiers mots pour un bon départ“ (pointandtalk.de), qui sont disponibles en 8 langues (par exemple Oromo), sont également très bons pour commencer en allemand, chacun avec l’anglais comme langue de transition vers l’allemand (Brückensprache).
– Voyez par vous-même. Apprenez le japonais et participez à un cours dont la devise est „Tout en japonais“.
– La numérisation offre déjà la possibilité d’adapter l’enseignement et l’apprentissage à l’apprenant individuel dans une certaine mesure, du moins beaucoup mieux qu’auparavant.
De nombreuses recherches menées par la communauté scientifique fournissent la preuve de l’efficacité de techniques bilingues (Butzkamm & Caldwell 2009). Le moment est venu de procéder à un changement de paradigme majeur dans l’enseignement et l’apprentissage des langues. Pourtant: La situation est complexe, et l’approche bilingue n’est pas une panacée contre les échecs. Il y a beaucoup à faire pour les professeurs d’allemand, non seulement en raison des différentes grammaires qu’il faut comprendre et comparer. La situation est rendue encore plus difficile par les grandes différences d’âge entre les apprenants, les différences de cultures d’origine, les différences de motivation, de talent et de connaissances préalables (alphabetisation ? Quelle est l’expérience scolaire ? Durée de séjour en Allemagne…). Ce n’est vraiment pas une tâche facile.